Qu’est-ce que la Perversion ?

La perversion, au sens propre du terme, se manifeste par la volonté de jouir sans limite et d’utiliser l’autre selon son bon plaisir. Ses symptômes caractéristiques sont :

  • L’absence totale d’empathie : la personnalité perverse ne se soucie pas des sentiments ou de la souffrance de l’autre.
     
  • La tendance au passage à l’acte et à la transgression : le pervers narcissique met un point d’honneur à obtenir immédiatement le statut social, l’être humain ou l’objet convoité et ne respecte aucune règle de droit, de loi qui ne sert pas ses attentes.
     
  • L’instrument majeur du pervers n’est pas le fouet, mais le langage, qu’il manie en virtuose pour persuader, tromper, railler, humilier, si bien d’ailleurs que nous, ses victimes, restons soit sans voix, ou passons-nous notre temps à nous justifier, expliquer, en vain car avec lui, impossible de dialoguer. Il peut même vous donner l’impression d’approuver vos idées, de comprendre vos échanges et de valider le message, et l’instant d’après faire exactement le contraire de ce sur quoi vous avez eu l’impression d’avoir trouver un accord, comme si votre discussion n’avait jamais eu lieu !

Depuis Malaise dans la civilisation de Freud (1929), nous savons combien la vie en société façonne les symptômes individuels. Si l’ère patriarcale, puritaine, moralisatrice incitait au refoulement des désirs, engendrait honte et culpabilité, la nôtre, permissive et individualiste, induit de la perversion.

Il y a dix ans tout juste, dans L’Homme sans gravité, le psychanalyste Charles Melman annonçait l’émergence de nouveaux modes de fonctionnements psychiques et de rapports humains de type pervers :

« Nous assistons au développement de pathologies liées à la transgression et à la conception sadomasochiste des relations », constate aujourd’hui le psychanalyste Jean-Claude Liaudet dans La Névrose française. La culture du résultat incite à instrumentaliser l’autre sans scrupule, si cela est nécessaire à la progression sur l’échelle sociale.
Dans notre monde d’images domine l’obligation de paraître jeunes, d’effacer les signes du temps. Ces idéaux narcissiques tendent à générer des adultes immatures, pour qui leurs descendants sont plus des concurrents que des êtres à protéger, pose Jean-Claude Liaudet. Trop imbus d’eux-mêmes, ils seront absents, négligents ou maltraitants, infligeant à leurs enfants leurs états d’âme et leurs envies sans tenir compte d’eux et de leur besoin. Ou au contraire, ils leur feront partager leur ambition purement égoïste, en leur inculquant que la seule règle dans la vie, c’est la loi de leur désir. « Ils deviennent alors des complices, des compagnons de transgression », remarque le psychanalyste. De bons candidats à la perversion…

Par ailleurs, analyse Dominique Barbier, criminologue et expert psychiatre, avec le déclin du patriarcat, il n’y a plus de maître, de grande figure d’autorité – chef d’État, homme politique, penseur, etc. – à abattre. Inutile d’affronter la loi, il suffit d’agir comme si elle n’existait pas.
D’où une société où l’intimité s’exhibe sans pudeur, où les enfants peuvent demander à changer de sexe à 10 ans et où les sexagénaires ont encore accès à la maternité. ( Voir article Psychologies, « Tout savoir sur les pervers »)


En bref, si notre société fabrique de la perversion, elle nous encourage aussi à nous voir en « victimes » impuissantes, incapables de reconnaître notre part de responsabilité dans ce couple que nous avons formé avec notre « bourreau ». Mais face aux pervers, nous avons toujours la liberté de dire non et de reprendre notre vie en main, loin d’eux !

Et puis, si face à ce constat, nous sommes tentés de soupirer qu’avant, c’était tout de même mieux, n’oublions pas que la société patriarcale autoritaire et puritaine engendrait elle-même ses propres monstres…